Nous connaissons tous le traditionnel amnésique au cinéma qui ne se rappelle plus de rien. Mais la plupart de ces films ne traite en réalité que d’un type particulier d’amnésie : l’amnésie rétrograde, appelée aussi "amnésie d'évocation", c'est-à-dire la perte du souvenir des évènements précédents le traumatisme.
Mais il existe un autre type bien moins connu d’amnésie, l’amnésie antérograde, ou "amnésie de fixation, qui elle, consiste en une incapacité à former de nouveaux souvenirs.
EN THEORIE :
Différents types d'amnésie, différentes mémoires
Il n'existe pas UNE mémoire mais PLUSIEURS mémoires. Chacune d'elle traite et stocke différents types d’informations et a des capacités de stockage et des temps de stockage différents. Toutes forment une longue chaîne de traitement mais restent indépendantes dans leur fonctionnement et peuvent donc être atteintes individuellement.
Nous avons une mémoire sensorielle (qui traite comme son nom l’indique, les informations sensorielles ) puis une mémoire à court terme qui garde quelques informations pendant un temps très court. Le passage par cette mémoire est indispensable pour accéder à la mémoire à long terme (dont la durée et la capacité de stockage paraissent illimitées).
LE FILM "Memento" :
un film de Christopher Nolan avec Guy Pearce, Carrie-Anne Moss, Joe Pantoliano.
Léonard et l'amnésie antérograde
Ce qui défaut chez notre héros est donc sa mémoire à court terme. Cette mémoire (assimilée à la mémoire de travail par certains), nous permet de manipuler des informations pendant un temps bref, certes, mais assez long pour nous permettre de suivre un raisonnement, de planifier nos actions, de lire un livre sans oublier au fur et à mesure ce que l'on a lu avant.En revanche, sa mémoire à long terme en elle-même est intacte : le souvenir de sa femme le hante, pire, ne se souvenant pas qu’elle est morte, c’est pour lui une torture quotidienne de découvrir tatoué sur sa poitrine "John G. raped and murdered my wife" autrement dit, John G. a tué et violé ma femme.
Si sa mémoire de travail fait défaut, comment fait-il pour suivre une conversation, pour se rappeler où il veut aller quand il conduit ?
Ces amnésiques ne peuvent-ils plus rien apprendre ?
Et bien, des chercheurs on découvert que ces personnes pouvaient tout de même faire des apprentissages implicites, c'est-à-dire sans que la personne en soit consciente (ceci est d’ailleurs évoqué dans le film).
Un médecin fit un jour une expérience avec l’une de ses patientes. Quand elle vint le voir pour l’une de ses consultations, il cacha une aiguille dans sa main. Quand la patiente la lui serra pour lui dire bonjour, elle se piqua, ce qui valut au médecin de se faire traiter de malade. Quand le jour suivant, elle retourna le voir (sans le reconnaître bien sur puisqu’elle ne pouvait conserver en mémoire à long terme que c’était son médecin) elle ne voulut pas lui serrer la main. Quand le médecin lui demanda pourquoi, elle lui répondit qu’elle avait peur qu’il lui fasse mal mais ne savait pas pourquoi, c’était comme une intuition.
D’autres expériences ont montré que des apprentissages moteurs ou plus précisément des routines motrices (moins douloureuses !) étaient encore possible avec de l’entraînement (apprendre à sortir d’un labyrinthe par exemple). Certes, les patients ne s’en souviennent pas, mais, à long terme, ils arrivent à faire les tâches auxquelles ils se sont entraînés de plus en plus vite.
CONCLUSION
L’amnésie antérograde est peu connue du grand public et Memento l’illustre à merveille en nous montrant les difficultés qu’elle entraîne dans la vie de tous les jours. Le film nous montre la vie d’un homme sans futur, prisonnier de son passé et qui doit affronter tous les jours avec autant de douleur la nouvelle de la mort de sa femme.
C’est aussi une très belle réflexion sur le travail du deuil (qui s’avère plutôt difficile ici) et la répétition comme pulsion de mort…mais je n’en dirais pas plus, la fin du film parle d’elle-même.
Une autre illustration :
Le monde de Nemo ! (Walt Disney - Pixar)