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Entre symptômes et humanité

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    Utopsy, c'est la rubrique "opinions" du site. Elle est constituée de textes, écrits par des membres de la psychobranche, des internautes ou quiconque le souhaiterait. L'auteur y exprime ses idées sur un thème particulier, rattaché à la psychologie ou une discipline associée. Ces textes ne sont donc que le reflet de sa propre opinion.
    Le but est de développer une réflexion sur ce que sont ou seront ces disciplines dans le futur, et parfois même de proposer ses propres idées de changement. Nous souhaitons ainsi créer un débat, c'est pourquoi nous mettrons prochainement en place un système de réponse, proche de celui d'un forum. En attendant, vous pouvez déjà réagir en cliquant sur le lien prévu à cet effet à la fin de chaque texte (vos réactions seront ajoutées en fin de texte).

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LA NORMALITE

       L'une des manières de définir la normalité est de prendre comme échelle de mesure la souffrance, provoquée ou ressentie. On peut alors considérer qu'une personne n'est plus "normale" dès lors que son comportement, son vécu, ses actes ou paroles sont tels qu'ils sont ressentis comme une souffrance par la personne elle-même ou par son entourage.
       La normalité est une notion également très liée à la société. Pour tout à chacun, la normalité se résume en une "norme" personnelle, que l'on pourrait résumer par la formule "ce qui est normal, c'est moi". La Norme sociale est donc ainsi définie par une moyenne, une ligne très irrégulière, reliant les normes personnelles des individus qui la compose. Cette Norme, par là même totalement indéfinissable objectivement, contient également une "marge de manoeuvre" qui permet de ne pas classer comme "anormal" tout ce qui s'écarte quelque peu de la Norme. Dès lors, s'interroger sur la normalité, c'est aussi s'interroger sur ce qu'une société est prête à accepter comme écarts, s'interroger sur la marge de manoeuvre dans laquelle vont pouvoir évoluer les personnes. On obtient ainsi une limite entre le normal et l'anormal tout aussi floue que la Norme qui est en son "centre".

       Essayons à présent de réunir ces deux notions en prenant comme exemple la maladie mentale. Dans une perspective de normalité, on peut dire que les hôpitaux psychiatriques sont le lieu dans lequel la société regroupe les personnes qui sont jugées, par les individus qui la compose, comme étant suffisamment souffrantes, ou source de souffrance, de par leurs actes, comportements, paroles ou vécus, trop éloignés de la Norme. On peut alors considérer que les hôpitaux psychiatriques ont pour rôle de protéger, tout autant les personnes qui y sont conduites que la société elle-même.
       Puisque tout est question de degré (degré de souffrance, degré d'écart à la Norme), on peut se demander qui, grâce à l'hôpital, est le mieux protégé. Autrement dit : l'hôpital protège-t-il plus la société du malade, ou le malade de la société ? Qui est le plus dangereux pour l'autre ? Dans un cas comme dans l'autre, que protège-t-on ?

   -    Protéger la société c'est protéger la Norme : point de repère, source d'ordre, de stabilité (malgré l'instabilité propre à la Norme elle-même). Sur le plan cognitif, c'est permettre à chacun de réaliser une économie intellectuelle considérable, en ne l'obligeant pas à remanier sans arrêt ses repères afin d'intégrer de nouveaux types de comportements dans la définition du normal (imaginez que vous deviez considérer comme normales toutes les personnes que vous rejetez habituellement, en remaniant pour cela votre définition personnelle de la normalité). On peut d'ailleurs tout aussi bien considérer que la définition de la normalité fait appel au narcissisme de chacun : nous avons tous tendance à nous considérer comme normal, et dans le même temps "mieux" que tous les individus que nous considérons comme anormaux. Si l'on ne devait plus les considérer comme anormaux, cela reviendrait à les considérer comme nos égaux, ce qui ne ferait qu'entamer notre estime personnelle.
       On peut enfin reconnaître que dans les cas extrêmes, protéger la société c'est aussi protéger la vie de ses membres d'autres individus dangereux (mais cet argument n'est pas réservé à la maladie mentale).

   -    Protéger le malade, c'est lui permettre de regagner un état psychologique stable et non source de souffrance. Se pose alors la question de l'origine de cette souffrance, et donc de la part de responsabilité de la société. On sait que les pathologies les plus présentes au sein de la population sont très variables dans le temps. Autrement dit, la culture va influencer le type de pathologie le plus répandu. Ainsi à deux époques différentes, une même société ne produira pas les mêmes malades, car le contexte économique, social, familial, culturel aura changé. Si la société refuse, nie, ou tente d'ignorer sa responsabilité, de quelle attitude va-t-elle faire preuve pour les malades qu'elle produit ?
       Ainsi, isoler un malade, c'est aussi lui éviter d'évoluer dans une société où il ne sera pas intégré, mais montré du doigt et rejeté, soit parce que sa pathologie nous "impressionne", soit parce que nous ne voyons pas un malade mais un "paumé" qui nous encombre.

       On cherche ainsi à la fois à protéger la société, sa stabilité, ses membres, et des personnes "malades", minorité statistique (la Norme étant définie par les individus considérés, ou se considérant, sains de la société ; bien que l'on puisse discuter la réalité de leur majorité au sein de la population).
       L'hôpital psychiatrique, chargé de remplir ces deux fonctions, n'est t-il pas finalement le résultat d'un calcul mathématique et/ou économique : doit-on perdre son énergie pour intégrer, accepter, tolérer une minorité (au passage : que beaucoup considèrent comme peu importante et sans utilité) ?
       La normalité est-elle une zone stable (bien qu'aux limites floues), séparée de l'anormalité par une plaine "d'efforts à fournir", dans laquelle chacun, qu'il vienne d'une zone ou de l'autre, doit trouver le nombre de pas qu'il est prêt à fournir pour se rapprocher de l'autre ? Notre société doit-elle être celle qui protège le plus grand nombre ou celle qui intègre au mieux les différences ? Ne peut-on pas (mieux) réaliser communément ces deux objectifs ?


R.G

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