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QUAND LA MALADIE PEUT ETRE UN BIENFAIT, ET LA NORMALITE DEVENIR UNE MALADIE




INTRODUCTION

      On considère généralement la maladie comme une souffrance. En psychologie, il convient déjà de relativiser : pour qu'il y ait souffrance, encore faut-il que la maladie soit reconnue en tant que telle par la personne. Mais une personne peut-elle apprécier sa maladie ? Certains psychotiques aiment leurs hallucinations ! Un maniaque (au sens psychologique du terme) ne se sent pas le moins du monde souffrant pendant une crise, bien au contraire !
      On peut aller plus loin encore et s'interroger : est-ce que la santé est toujours préférable à la maladie ? La "normalité" est-elle synonyme de bien-être ?


TROIS EXEMPLES, TROIS HISTOIRES

SACKS
      Oliver Sacks est un neurologue anglais. En 1988, dans "l’homme qui prenait sa femme pour un chapeau" il rapporte plusieurs cas de patients atteints d’une maladie neurologique, ayant des répercussions sur leur comportement.


Natascha K.
      A l'âge de 18 ans, Natascha K. contracta la syphilis. Appelée aussi "maladie de Cupidon", cette maladie comprend une première infection, puis une période de latence, qui précède la mise en place de la neurosyphilis, une atteinte neurologique. Ainsi, c'est plus de 70 ans plus tard, à l'âge de 90 ans, que Natascha vint trouver O. SACKS.
      A l'âge de 88 ans, elle s'était soudain sentie changée : euphorique, énergique, plein de vie, en somme : extrêmement bien. Mais ses amis lui firent remarquer que son attitude n'était pas correcte. Elle hésitait à se faire soigner, car après tout elle éprouvait un sentiment de bien-être, mais elle craignait dans le même temps que la maladie ne s'aggrave. Elle demanda donc à Oliver Sacks s’il était possible de maintenir la maladie dans son état actuel.
      Oliver Sacks accéda à sa demande, et empêcha la maladie de progresser : Natascha K. continua ainsi à se sentir dans un état de bien-être, grâce à la maladie.

Miguel O.
      Miguel O. était lui aussi atteint de neurosyphilis, ce qui entraînait chez lui des troubles de la parole et de l’ouïe. Il était plein d’énergie, très excité, et utilisait beaucoup le dessin pour s’exprimer. Afin d’atténuer ses troubles, on lui prescrivit de l'haldol (l’haldol permet de diminuer l’excès de dopamine à l'origine des troubles).
      Mais quand Miguel O. était sous haldol, il trouvait que ses dessins manquaient terriblement d’imagination, tout lui semblait mort.

Ray
      Ray, était atteint du syndrome de Gilles de La Tourette. Pour atténuer les symptômes, il fallut également diminuer son taux de dopamine. Il fut donc mis sous haldol, tout comme Miguel O. L’haldol permit de supprimer les tics de Ray, ce qui lui permettait de mener une vie épanouie. Mais Ray avait perdu son inspiration, sa spontanéité et ses rêves. Le musicien qu’il était, était devenu très mauvais. Ray décida donc de suivre le traitement pendant sa semaine de travail, et de l’arrêter le week-end, pour faire de la musique. Il y avait en quelque sorte deux Ray : celui avec haldol et celui sans haldol.
      Tout comme pour Miguel O. le paradoxe est important : la maladie était nécessaire pour réveiller l’imagination et permettre l'épanouissement personnel.


CONCLUSION

DALI
      Au-delà du problème de la définition de la "santé" ou de la "normalité", ces trois cas amènent à s'interroger : est-ce que la maladie peut être plus agréable à vivre que la normalité ? Dans le cas de Miguel O., on peut même dire que c'est la normalité qui est vécue comme une maladie. La "normalité" est socialement plus acceptable, plus désirable, bien entendu, mais individuellement, elle n'est pas nécessairement synonyme de bien-être. Si l'on s'adjuge le devoir de guérir chaque personne, on satisfait donc la société, mais pas nécessairement les "malades". Quelle attitude adopter ? Peut-on encore se contenter d'être rationnel quand on est "dans le royaume de Cupidon et de Dionysos" ? (O. Sacks).




Pour aller plus loin...

Oliver SACKS   L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau   Ed. du Seuil, collection Points, séries Essais, 1988. Un recueil de cas pathologiques émouvant et drôle. Et parce qu’il se centre plus sur le coté humain de la maladie que les détails des lésions neurologiques, il est à mettre en toute les mains.

L'article sur la "NORMALITE"   Pour réfléchir à cette notion finalement bien obscure...

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